Les médias français et la version francophone de Wikipédia entretiennent une relation compliquée. La fiabilité de l’encyclopédie collaborative a longtemps été mise en doute par des chroniqueurs et éditorialiste, mal à l’aise face à l’absence de « comité éditorial » ou d’instance dirigeante bien identifiée.
Certains journalistes n’hésitent pas à « vandaliser » des notices pour mieux appuyer leur démonstration, comme pour un reportage d’Envoyé spécial diffusé en novembre 2012 et qui avait hérissé le poil des Wikipédiens ou pour le livre La Révolution Wikipédia, publié sous la direction du chroniqueur littéraire Pierre Assouline en 2007.
Pourtant, les journalistes utilisent quotidiennement Wikipédia pour leurs recherches d’information, même s’ils en connaissent souvent mal le fonctionnement et le complexe système d’autorégulation. En formation, j’ai souvent dû prendre le temps de faire l’anatomie d’une notice, de la liste de sources en bas d’article à l’onglet « Discussion », en passant par la comparaison des différentes versions.
La « référence nécessaire », règle d’or de l’encyclopédie
Et les Wikipédiens eux-mêmes se servent largement des sites d’information pour sourcer le contenu de leurs notices. Les rédacteurs doivent en effet respecter une règle fondamentale : l’absence de travaux inédits dans le texte des notices. Tout savoir qui y est référencé doit s’appuyer sur une source existante, qu’il s’agisse d’un livre, d’une page officielle ou, bien souvent, d’un article de presse.
C’est pour cette raison qu’on croise régulièrement la mention « (Réf. nécessaire) » [et non « citation nécessaire, merci Gilles, ndlr] dans le contenu d’une page, signe qu’un contributeur vigilant a édité la page pour signaler que l’information mentionnée n’était pas correctement sourcée.
En 2012, l’écrivain américain Philip Roth a pu mesurer toute l’intransigeance de cette règle quand il a tenté de modifier la notice d’un de ses romans, correction refusée par un administrateur de la Wikipédia anglophone. Un épisode qu’il a raconté dans le New Yorker.
L’existence d’un nombre d’articles suffisant traitant d’une personnalité ou d’un phénomène étant d’ailleurs un critère important pour juger de la « recevabilité » d’un nouvel article – ce qui avait amusé Daniel Schneidermann lors d’une une émission d’Arrêt sur images sur ce sujet sensible.
Mais quelles sont leurs sources privilégiées ? J’ai mené une petite enquête en me basant sur un échantillon de plus de 16 500 fiches contenant en tout plus de 100 000 liens externes. Je reviens pas à pas sur la méthode utilisée dans un autre article de ce site, où je liste aussi l’ensemble des données utilisées – sachez juste que mon ordinateur a beaucoup ressemblé à ça ces dernières heures :
Voilà donc le top 50 des sites d’actu dont le contenu est le plus souvent cité en référence dans Wikipédia :
Si au lieu d’un échantillon « généraliste » de fiches, on se cantonne à des sélections resserrées, on peut voir comment cette liste de médias de référence évolue thème par thème – n’hésitez pas à me contacter ou à laisser un commentaire si vous souhaitez que j’explore d’autres thématiques.
Enfin, si vous êtes journaliste, vous avez peut-être envie de savoir quels contenus de votre média ou de son concurrent font désormais référence, peut-être pour l’éternité – c’est quand même plus chic que d’être cité dans un tweet de Nadine Morano, non ?
Vous pouvez chercher votre média et les notices dans lequel il est cité dans la liste complète des liens de l’échantillon « généraliste », soit 1% du total des fiches publiées sur Wikipédia. Si le tableau ne se charge pas, vous pouvez retrouver la liste complète dans cette Google Sheet.
Si vous trouvez des erreurs ou des bizarreries, contactez-moi ou laissez un commentaire que je puisse jeter un œil à vos trouvailles.