Les médias nous donnent-ils une vision déformée du monde qui nous entoure ? La question est vieille comme Théophraste Renaudot, mais j’ai tenté d’y apporter une réponse moderne avec la série de cartes « anamorphosées » publiée ci-dessous – une idée que j’ai piquée à mes petits camarades d’Altermondes.
Elles ont été réalisées en basant la déformation de chaque pays sur le nombre de résultats trouvés par Google quand on le cherche sur le site de l’un des vingt médias étudiés – je reviens plus en détail sur la méthode utilisée (et ses limites) dans un autre post.
Avec l’avènement des réseaux sociaux, devenus pour beaucoup d’entre nous le principal point d’accès à l’information, ces cartes vont-elles se déformer davantage ?
En filtrant selon leur popularité les publications venues de nos amis et des pages auxquelles nous nous sommes abonnés , Facebook est en effet accusé de créer une « bulle » autour de ses utilisateurs, ne les exposant plus qu’à des informations qui les touchent ou les font réagir.
Et comme leur trafic dépend de plus en plus de cette plateforme, les médias sont tentés de « publier pour Facebook », laissant de côté l’actualité des pays trop lointains. Un phénomène qu’on peut observer sur les cartes de Buzzfeed France et du Huffington Post, où les pays du Sud occupent la portion congrue.
Mais ces biais ne sont pas nouveaux, et ils dépendent aussi de la ligne éditoriale des journaux concernés :
- L’Amérique du Sud et l’Afrique sont nettement enflées sur la carte du Monde diplomatique – logique vu les positions tiers-mondistes de ce mensuel.
- l’Europe explose sur celle de Contexte – normal, le site suit de près l’actualité législative de l’UE.
- les Etats-Unis sont bien plus gros que la moyenne sur celle de Slate.fr – pas étonnant, une bonne partie des articles sont des traductions de textes publiés dans la version américaine.
- Les sites qui reprennent beaucoup l’AFP, par exemple Libération et Le Figaro, ont des cartes assez proches –une part importante des résultats décomptés se trouvent dans les dépêches de cette agence et reprises, sous différentes formes, sur ces sites.
Ces spécificités se retrouvent si on s’intéresse aux pays les plus cités, média par média.
On retrouve bien la loi du « mort-kilomètre », qui veut qu’une tempête de neige à Londres pourra occuper les chaînes infos toute la journée, alors qu’un tsunami en Indonésie peut faire des centaines de victimes sans qu’on chamboule le menu des journaux télévisés.
Mais on peut aussi prendre le problème dans l’autre sens, et s’intéresser aux médias qui s’intéressent plus (ou moins) que la moyenne à un pays donné.
N’hésitez pas à explorer vous-mêmes les données que j’ai récoltées, et à raconter vos trouvailles ou à signaler des problèmes en me contactant ou en laissant commentaire.
Mis à jour le 26/1 à 10h35. Précision ajoutée concernant les médias reprenant beaucoup l’AFP, après un échange avec @quentingirard sur Twitter.