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6 phrases sur l’avenir du journalisme pour briller dans les dîners

Je ne parles pas forcément du futur du journalisme, mais quand je le fais, c'est avec des citations trouvées Dans mon labo.
Je ne parle pas souvent du futur du journalisme, mais quand je le fais, c’est avec des citations trouvées Dans mon labo.

Vous n’étiez pas au Festival international de journalisme de Pérouse la semaine dernière, et vous avez bien fait. Il y avait beaucoup trop de conférences intéressantes en même temps, ça rend le choix impossible et on finit la journée avec un super mal de crâne, après avoir subi un tel flot de bonnes idées, de conseils utiles et d’expériences passionnantes.

Et puis c’est totalement gratuit, alors les salles sont bondées, remplies d’étudiants en journalisme et d’activistes sans le sou, merci bien. Quant aux intervenants, c’est bien simple : ils répondent aux  questions, débattent avec le public, sont ouverts aux critiques et accessibles même le soir, au restaurant. Tant de démagogie, c’est fatiguant.

Enfin, j’ai pensé à vous et j’ai fait une petite compilation de phrases que vous pouvez ressortir dans les dîners entre journalistes, pour faire croire que vous y étiez.

1. « Tu sais, si tu chasses les clics, tu finis par publier des chatons »

Comme le blogueur Jeff Jarvis, auteur de cette formule pendant sa keynote, beaucoup d’intervenants ont rappelé que les médias devaient mieux choisir les statistiques à suivre pour bien développer leur site :

« Les métriques doivent être repensées. Les pages vues, les visiteurs uniques, le nombre de likes… tout ça, c’est du passé.

Avec Chartbeat, on peut mesurer le temps passé sur le site, et vendre aux annonceurs du temps d’affichage de leurs publicités [et non un nombre d’affichages, ndlr]. Ça va dans la bonne direction, mais ça aussi, je pense qu’on pourra le truquer.

Il faut aller vers des mesures plus qualitatives, pour savoir si ce que les journalistes font a vraiment de la valeur, comprendre ce qu’ils apportent à la vie des gens. Je ne sais pas comment on peut mesurer ça, mais il faut trouver. »

Même constat pour Stijn Debrouwere, spécialiste des statistiques des sites de médias, dont la conférence était pleine de bons conseils – je l’ai d’ailleurs retranscrite.

2. « Il faut casser les services et travailler en équipe »

D’accord, il y aura toujours des rédacteurs de génie et des enquêteurs hors pair qui bossent en solo, se contentant d’envoyer un fichier Word par e‑mail une fois leur tâche terminée.

Mais pour tous les autres, être capable de bien travailler dans des équipes mêlant des métiers de plus en plus variés devient un impératif.

Aron Pilhofer a ainsi raconté qu’à son arrivée à la tête du numérique au Guardian, il s’est ainsi empressé de créer un pôle « Visuals », regroupant des compétences en photo, en illustration, en design, en multimedia… Une idée empruntée à la NPR, le réseau américain de radios publiques :

« Avant ça, ces métiers étaient plus ou moins dans des services séparés. Ça n’a pas de sens : quand vous montez un projet numérique, ça implique forcément du texte, des images, de la vidéo, des graphiques, des animations…

Vous ne devriez pas avoir à négocier entre les différents services pour former votre équipe. C’est quelque chose qui était vraiment difficile pour moi quand j’étais au New York Times et dans d’autres rédactions.

Ça oblige à mener des négociations dignes de pourparlers à ONU, en allant voir chaque responsable pour le convaincre de l’intérêt de votre idée. Ça prend un temps fou, ça se termine avec une réunion avec quarante personnes dans la pièce, et ce n’est pas comme ça qu’on fait du bon journalisme. »

Qu’ils le veuillent ou non, les médias ne sont plus seulement des fournisseurs de contenu, mais aussi des créateurs de technologie. Et seuls ceux qui peuvent monter rapidement des équipes pluridisciplinaires seront à même de mener des projets rédactionnels ambitieux sans les voir s’enliser.

3. « L’Afrique mérite mieux que le journalisme-hélicoptère »

Trouver des solutions africaines aux problèmes africains : l’adage vaut aussi pour les médias, à en croire le journaliste et poète Tolu Ogunlesi. Basé à Lagos, au Nigéria, il en a assez de voir des reporters de télés occidentales débarquer dans un pays pour couvrir une crise pendant quelques heures, avant de repartir pour toujours :

« J’appelle ça le “journalisme-hélicoptère”. Les médias locaux, eux, sont là sur la durée. Depuis quelques années, les journalistes africains ont gagné en confiance, assez pour raconter leur propre expérience. Les réseaux sociaux ont permis à leur voix de porter davantage.

Avant, CNN ou la BBC étaient les seuls à avoir les moyens de dominer la conversation mondiale, maintenant on a des chaines comme Channels au Nigeria qui a très bien traité les récentes élections.

Quand vous parlez de l’endroit dans lequel vous vivez, où se trouve votre maison, vous pouvez vous permettre d’aller plus loin, d’être plus nuancé. »

4. « Recruter un abonné pour son journal, ce n’est pas seulement lui prendre son argent »

Fini le temps où on pouvait faire signer un chèque ou un formulaire de prélèvement automatique à son lecteur et puis partir en courant, en espérant qu’il reste fidèle pour les dix ou vingt ans à venir. C’est ce qu’a rappelé Jeff Jarvis dans sa keynote :

« Les gens veulent désormais qu’il y ait une vraie collaboration entre leurs médias et eux. Un sentiment d’appartenance, un engagement à faire des choses ensemble. […]

Il faut trouver de nouvelles façons de contribuer, pas seulement en envoyant de l’argent, mais en faisant un effort, en proposant du contenu, de l’aide pour le marketing, des lignes de code, bref tout ce qui peut aider dans notre mission d’informer.

Et en retour, il faut trouver comment récompenser cette participation, et ça ne peut pas être seulement l’accès à un contenu. Ça peut être une invitation à un événement, mais aussi une forme de reconnaissance sociale. »

Alors que beaucoup de sites d’actualité peinent à définir ou rendre attractives leurs offres d’abonnement, c’est peut-être cherchant des « membres actifs » ou des « soutiens » plutôt que de simples « abonnés » qu’ils réussiront. La méthode a en tout cas réussi pour Mediapart.

5. « Le nouveau datajournalisme, c’est le journalisme de capteurs »

On pourrait penser que les cigales sont toujours dans le coin, qu’il suffit de s’installer dehors pour l’apéro pour commencer à les entendre. Mais il en existe un genre particulier, la magicicada Brood II, qui ne débarque sur la côte est des Etats-Unis qu’une fois tous les dix-sept ans.

Pour prévoir le moment exact de son arrivée et ne pas la rater, l’émission Radiolab a lancé début 2013 le projet Cicada Tracker, et proposé aux internautes motivés d’assembler un boîtier électronique capable de mesurer la température à 20 centimètres sous la surface du sol, grâce à un capteur de température.

Des diodes lumineuses indiquent quand la température atteint 17,8 °C, soit juste avant le réveil des cigales mâles, qui rejoignent la surface et commencent à faire du boucan pour attirer les femelles. Les données étaient ensuite centralisées pour dresser des cartes nationales.

Si vous avez envie de tester ça dans votre garage afin de vous préparer pour la vague de 2030, le fabricant Arduino propose toute une gamme de supports qu’on branche à son ordinateur et sur lesquels se montent des capteurs de température, de son, de vent, d’humidité, d’accélération, de lumière, de proximité, de rythme cardiaque, de tension artérielle…

Tous ces produits (présentés par la creative technologist Linda Sandvik à Pérouse) sont loins d’être nouveaux mais, un peu comme les drones, ils ouvrent de nouveaux horizons aux journalistes et aux activistes bidouilleurs. Comme ces étudiants chinois qui ont fait voler des cerf-volants pour mesurer la pollution dans  le ciel chinois.

6. « Aujourd’hui, tu peux plus te contenter d’être un observateur, il faut t’engager »

Le journaliste est de moins en moins vu comme un pur esprit, observateur objectif de la marche du monde mais ne prenant jamais part aux événements qui le secouent.

Ce mythe-là a vécu, comme l’a prouvé la récente initiative du Guardian, qui veut faire pression sur la fondation Bill et Melinda Gates et d’autres fonds d’investissement afin qu’ils n’investissent plus dans les entreprises exploitant les énergies fossiles, afin de lutter contre le réchauffement climatique.

Une vraie libération pour Aron Pilhofer :

« Après vingt ans de journalisme, je m’étais toujours arrêté devant cette porte-là. On est là pour raconter ce qui se passe, ce qui ne va pas, ce qu’il faudrait faire, mais on ne s’empare pas d’un combat. Et ça, c’est vraiment frustrant à force.

Ce serait impossible de faire ça au New York Times, ils ne veulent vraiment pas aller vers un « journalisme de solutions. »

Beaucoup de projets reposent aussi sur la collaboration avec des organisations non gouvernementales (ONG) ou des groupes d’activistes, comme le lancement de la revue Alter-mondes, en France.

Pourquoi les sites d’actu se servent mal de leurs stats, et comment ça peut changer

La salle de contrôle des vols spatiaux de la Nasa en 2005 (Nasa).
La salle de contrôle des vols spatiaux de la Nasa en 2005 (Nasa).

Ça fait partie de ces conférences où l’on se surprend à applaudir et à encourager mentalement l’intervenant pendant son exposé, tant ce qu’il dit paraît pertinent.

Stijn Debrouwere, spécialiste des statistiques des sites de médias, parlait jeudi au Festival international de journalisme de Pérouse. Voici une retranscription que j’espère fidèle, mille excuses d’avance si j’ai déformé un propos ou raté une idée importante

Stijn Debouwere. Je travaille sur les statistiques des sites d’information depuis quatre à cinq ans, j’ai commencé dans des médias locaux (télévisions et quotidien), ensuite j’ai rejoint le service d’analyse des données du Guardian. Récemment, j’ai réalisé une mission pour le Tow Center  sur ces sujets.

J’ai pu voir des statistiques de beaucoup d’entreprises différentes, et je me suis aperçu que les mêmes problèmes apparaissent un peu partout.

Quand on parle des statistiques d’un site, bien souvent l’image mentale qui se forme est celle d’une salle de contrôle sophistiquée, comme celle de la Nasa à Houston, où chaque employé a plein de moniteurs différents.

Travailler de cette façon a bien marché pour la Nasa : dans le cas d’Apollo 13, c’est même ce qui a permis de ramener les astronautes sur Terre malgré les défaillances, grâce à toutes les données à disposition que les ingénieurs ont pu analyser pour déterminer la marche à suivre.

Ça peut aussi marcher dans des start-ups ou des entreprises centrées sur les nouvelles technologies, on voit qu’elles réussissent à lever des fonds ou réaliser un bon chiffre d’affaires en utilisant correctement les indicateurs dont elles disposent.

Mais ça ne marche pas aussi bien pour les médias. On voudrait des outils simples, objectifs et qui aident à la décision, et ce qu’on a bien souvent, c’est du « bruit », des fausses pistes et un miroir aux vanités.

Et quand on utilise mal les statistiques, ça peut avoir des conséquences néfastes, comme ces posts sur Facebook où on « optimise » les titres pour chasser les clics, avec des formules du type « vous n’allez pas croire ce qui arrive à ce chat après ça ».

Selon le consultant américain Peter Drucker, la meilleure façon de supprimer toute perception est d’inonder les sens avec des stimuli. Ça veut dire que les services que vous utilisez doivent être configurés pour vous donner uniquement l’information que vous souhaitez avoir. Sinon, vous ne pourrez rien faire.

Dans les rédactions aujourd’hui, les métriques se sont peu à peu accumulées : Google Analytics, Facebook Insights, Twitter Analytics… Ce sont de bons outils, mais on se retrouve avec des dizaines de tableaux de bord différents, tous mis à jour constamment.

Il faut se poser des questions de base. Pourquoi est-ce qu’on regarde des stats ? Parce qu’on veut pouvoir en tirer des conclusions. Mais en réalité, peu de rédactions sont capables de réagir immédiatement à une donnée, par exemple faire un article quand un sujet est en train de buzzer.

Je croise des journalistes très accros à Chartbeat [service de statistiques sur la fréquentation de son site mesurées en temps réel, ndlr], il faudrait leur passer sur le corps pour leur enlever ça. Mais quand je leur demande à quoi ça leur sert vraiment, ils ne savent pas trop quoi répondre.

Et vous avez sûrement déjà assisté à une réunion où quelqu’un débarque avec une grande idée, un changement à faire sur le site, en ayant au préalable sélectionné précisément LA donnée qui va dans son sens, en ignorant tout le reste.

Sans parler des biais qui peuvent se glisser. Il y a quelques années, YouTube a fait un gros effort pour optimiser les pages, et accélérer le chargement des vidéos. Quand ils ont mis ces changements en production, ils se sont rendus comptes que les métriques allaient dans le mauvais sens, qu’en fait le temps de chargement des vidéos avait tendance à augmenter.

C’est une donnée cruciale pour eux, donc ils avaient un vrai problème. En analysant davantage, ils se sont aperçus qu’ils avaient tellement bien travaillé que des internautes avec des connexions lentes ou de vieux ordinateurs s’étaient mis à regarder des vidéos, alors qu’avant ils ne pouvaient pas du tout le faire.

Et ce sont ces nouveaux utilisateurs qui faisaient plonger les statistiques, parce que les vidéos mettaient beaucoup de temps à se charger pour eux – mais au moins, ils pouvaient les voir. Les mêmes données qui les ont induits en erreur leur ont permis de comprendre vraiment ce qui se passait, en les examinant de plus près.

Sachant tout ça, qu’est-ce qu’on peut faire pour mieux travailler les statistiques ?

1. Avant de regarder vos statistiques, regardez votre site

D’abord, il faut garder en tête qu’il y a plein de changements possibles sans même avoir à les consulter, il suffit d’ouvrir les yeux.

On sait par exemple que les newsletters sont une façon de gagner du trafic et d’avoir des lecteurs plus fidèles. Regarder votre site : combien de temps vous faut-il pour vous inscrire à la newsletter ?

Même remarque pour le placement des boutons de partage des réseaux sociaux : est-ce qu’ils sont accessibles, est-ce qu’ils sont assez visibles ? Ce sont des choses très simples à corriger.

Un autre conseil que je donne, c’est d’avoir une check-list à remplir avant toute publication d’un contenu.

Je m’aperçois que dans beaucoup de sites, il y a toute une partie du contenu qui n’est jamais mis en avant nulle part, ni sur la page d’accueil, ni sur les réseaux sociaux. Il faut passer par une sous-sous-rubrique pour y accéder. Même leur auteur ne tweete pas un lien vers son article une fois publié !

Il faut avoir une stratégie interne pour chaque publication, par exemple programmer des tweets avec outils comme Buffer pour couvrir les différents fuseaux horaires. Vérifier que l’article comporte bien des liens externes et internes, c’est aussi important, et c’est le genre de choses qu’on peut mettre dans une check-list. Vous voyez, il y a zéro technologie en jeu ici, juste du bon sens.

2. Ne vous contentez pas des valeurs proposées par défaut

Ensuite, il faut mesurer les bonnes choses. Trop souvent, on se contente des métriques qui sont proposées par défaut. Si Google Analytics vous propose trois mesures quand on charge la page (par exemple « sessions », « utilisateurs » et « pages vue »), ça ne veut pas forcément dire que ce sont ces trois métriques-là que vous devez surveiller.

Au début, il était beaucoup question de pages vues, ensuite de « reach », après d’engagement. Je me souviens qu’un type a publié une tribune un jour sur Medium pour expliquer qu’il fallait vraiment regarder le temps passé sur le site, que c’était ça l’important.

Des clients ont commencé à m’appeler et à me dire qu’ils voulaient faire pareil, et je leur ai dit : « Vous allez vraiment changer complètement de stratégie, juste parce qu’un type a écrit ça sur Medium ? »

3. Regardez les ratios plutôt que les totaux

Il faut s’intéresser davantage aux ratios qu’aux valeurs absolues. Le nombre de pages vues, par exemple, ça ne m’intéresse pas forcément si je le prends isolément. En revanche, si je compare avec le nombre d’articles publiés dans la journée, ça peut devenir intéressant.

Si le nombre de pages vues aujourd’hui est le double de celui d’hier et que le nombre d’articles publiés a doublé aussi, ce n’est pas une bonne nouvelle, ça veut dire qu’on n’a pas amélioré la visibilité de chaque contenu. Regarder le nombre de pages vues par auteur, ça peut être bien aussi.

Des rédacteurs en chef me disent : « On ne publie pas beaucoup le week-end parce qu’on n’a pas beaucoup de visiteurs le week-end. » Mais en fait, c’est parce qu’ils publient peu le week-end qu’ils n’ont pas beaucoup de trafic le week-end – en tout cas, c’est une hypothèse que je ferais…

Si on regarde le nombre de pages vues par article, à chaque heure du jour ou bien pour chaque jour de la semaine, on peut sortir de ce type de problème d’œuf et de poule.

4. Suivez moins d’indicateurs mais suivez-les mieux

Il faut aussi réduire le nombre de métriques surveillées. Se concentrer sur la fidélité des lecteurs par exemple, c’est un bon réflexe, mais ça peut vous mettre dans des situations surprenantes. Mettons qu’un de vos articles devienne viral : ça va faire chuter vos indicateurs de  fidélité, parce que vous allez attirer soudain des gens qui ne viendront qu’une fois chez vous, pour un seul contenu.

Ce que je préfère observer, c’est l’évolution des frequent users, les lecteurs réguliers, une notion utilisée par les entreprises technologiques : par exemple, on regarde l’évolution de ceux qui ont passé au moins dix sessions dans les trois derniers jours. Et là, on se rend compte que c’est une courbe beaucoup plus stable, les pics de trafic sont gommés.

Quand Facebook s’est lancé, on ne pouvait s’y enregistrer qu’avec e‑mail hébergé par une série d’universités américaines. Ça faisait donc très peu d’utilisateurs en valeur absolue. Mais les fondateurs ont senti qu’ils tenaient un service intéressant quand ils se sont aperçus que les gens restaient très longtemps quand ils venaient.

Dans les rédactions, on ne mesure pas assez la qualité des contenus. Une expérience simple à réaliser, c’est de demander aux journalistes de donner une note de 1 à 10 au contenu qu’il vient de publier. On peut demander aux lecteurs de le faire aussi. Au final, cette statistique obtenue de façon artisanale est aussi importante que les chiffres de Google Analytics.

5. Cherchez un bon compromis plutôt qu’un objectif isolé

Plutôt que des cibles ou des objectifs, il faut chercher des sweet spots, de bons compromis. « Surperformer » peut être aussi mauvais pour un site que « sous-performer ».

Mettons que vous vouliez absolument multiplier le nombre de contenus en ligne. Vous allez vous organiser pour que vos auteurs publient 50 articles chaque semaine. Votre trafic va augmenter, OK, ça peut sembler super. Mais la qualité de ce qui est produit va plonger, et si vous ne la mesurez pas, vous ne le saurez jamais.

Du coup on va plutôt se dire : peut-être qu’on peut réduire un peu la longueur des articles, ce qui nous permettrait d’en publier un peu plus, sans que le lecteur ne se sente lésé.

J’entends dire : « Notre objectif est d’attirer un million de visiteurs en plus en provenance des réseaux sociaux. » OK, mais quel effet ça va avoir sur les autres métriques ?

Sur le Web, on s’est vite aperçu qu’il n’y avait pas de corrélation entre la longueur d’un article et le nombre de visites qu’il reçoit. Ce n’est pas parce que le texte est plus long qu’il sera plus vu.

Du coup, certains ont dit : il faut faire court, pour faire plus de pages vues. D’accord, mais on en fait quoi ? La plupart des sites ont déjà trop d’inventaire, les campagnes publicitaires ne sont pas assez nombreuses pour remplir tous les emplacements.

Si vous ne le monétisez pas, ce trafic supplémentaire, c’est un trafic-poubelle : en vérité, vous n’en voulez pas ; ce que vous voulez, ce sont des lecteurs qui reviennent souvent.

Les statistiques doivent être au service d’un projet, ce ne sont pas des buts en soit.

Quand je parle à des gens des entreprises de technologie, ils se demandent comment utiliser leurs statistiques pour améliorer le service qu’ils rendent aux internautes ? Mais côté médias, la question qu’on me pose c’est : quelle est la statistique que je dois cibler ? Ils ne veulent pas faire grandir le site, le rendre meilleur. Juste faire monter des chiffres.

6. Faites des tests sur la durée avant de décider

Il ne faut pas hésiter à faire des expériences, comme celle des articles evergreen de Vox : ils ont pris des contenus forts publiés plusieurs mois avant, ils les ont mis à jour et republié. Et ils ont gagné beaucoup de pages vues, pour des contenus qui étaient enterrés dans les archives. Certains lecteurs les avaient ratés, d’autres les avaient oubliés, dans tous les cas ils étaient contents de les lire.

Slate aussi tente des choses : par exemple, ils demandent à leur rédacteur de faire du  trafic whoring pendant toute une journée ; chasser les clics avec un maximum de contenus très attractifs. En échange, ils vont avoir deux ou trois jours sans contraintes, pour creuser un sujet.

Même chose avec Quartz, et leur théorie sur les contenus de longueur moyenne, qu’il faut éviter de publier, pour privilégier les articles soit plus courts, soit plus longs [la Quartz curve, ndlr].

Il faut cependant laisser ces expériences vivre assez longtemps. Un seul article sur une nouvelle thématique ne suffit pas à savoir s’il faut lancer une nouvelle rubrique, pourtant je l’ai vu faire aussi.

D’abord parce que Google Analytics pratique l’échantillonnage : les calculs ne sont pas forcément fait sur l’ensemble des stats, mais sur un échantillon, pour que ça aille plus vite. Du coup un changement ponctuel aura moins d’impact.

Mais surtout parce qu’il y a un tas de facteurs extérieurs qui peuvent influer énormément, comme l’auteur de l’article ou l’heure de publication.

7. Montrez à vos journalistes des mesures qui ont du sens pour eux

Une bonne pratique, c’est aussi de proposer la bonne métrique à la bonne personne. Souvent, la frustration ressentie face aux statistiques vient du fait qu’on n’a pas vraiment de prise sur les chiffres qu’on vous donne.

Par exemple, améliorer la visibilité de l’abonnement à la newsletter, c’est un objectif intéressant pour designer, mais pas pour le journaliste, qui ne peut rien faire pour changer ça.

Pour un journaliste, savoir le nombre de visites que son article a fait, ça n’est pas très utile finalement, puisqu’il a déjà terminé son travail.

Même chose si vous mettez un grand panneau lumineux dans la rédaction avec des informations du type : « les pages vues ont baissé de 5% par rapport à hier ». Le journaliste va se dire : « OK, mais qu’est-ce que je peux y faire ‚à mon niveau ? » Au final, ça aura des effets néfastes sur sa motivation.

8. Analysez vous-même vos données

Quand vous regardez vos statistiques, sachez que le bouton « Exporter » est votre meilleur ami. Récupérer les données brutes et les analyse vous-mêmes dans un tableur de type Excel, ça va vous permettre de creuser davantage et de garder le plus pertinent.

Au final, les stats en temps réel ont leur intérêt, c’est cool à regarder, ça donne l’impression que vous êtes dans la salle de contrôle de la Nasa. Mais régler des petits problèmes sur le site, cocher des cases sur une check-list, c’est peut-être moins prestigieux, cependant c’est ça  qui fait la différence. Et pour les médias il y a de gros gains à faire avec un minimum d’efforts, dans certains cas il suffit de se baisser pour les ramasser.

L’économiste Robert Solow a décrit dans les années 70 un paradoxe : les entreprises disposaient d’ordinateurs, de tableurs (c’était nouveau à l’époque), mais pourtant la productivité ne s’est pas vraiment améliorée à cette période.

C’est un peu pareil pour les médias : les statistiques ont le potentiel de vraiment améliorer les choses, mais ce n’est pas le cas pour le moment. D’où l’intérêt d’écouter Peter Drucker, et d’arrêter de se laisser submerger par elles.

Mis à jour le 17/4 à 21h30. Quelques précisions et menus changements grâce aux retours du conférencier que j’ai reçus par e‑mail. Une erreur corrigée : c’est YouTube et non Facebook qui a eu des stats surprenantes après avoir optimisé le chargement des vidéos.

Stijn Debrouwere a eu la gentillesse d’y ajouter une série de liens pour ceux qui souhaitent prolonger leur réflexion sur le sujet :

Sur Facebook, la robe est blanche mais tous les médias sont gris

C’est une idée à creuser en ces temps de crise de la presse : pour faire des économies, une bonne partie des sites d’actu français pourraient confier leur page Facebook au même journaliste – de toute façon, ils y publient (souvent) la même chose.

Captures d'écran tirées d'une série de pages Facebook de sites d'actualité français.
Captures d’écran tirées d’une série de pages Facebook de sites d’actualité français.

NB. Je n’ai rien trouvé sur « la robe » sur les pages Facebook de La Croix, Rue89, Télérama, RFI, France 24, du Plus, du JDD et de quelques autres.

Photo de moutons en page d’accueil : Andy Farnsworth/Flickr/CC-BY-ND.

L’extrait de “The Newsroom” qui va plaire à tous les journalistes web

Tout le monde est à peu près d’accord pour dire que The Newsroom, série sur le quotidien d’une chaîne info dont la troisième et ultime saison vient d’être diffusée par HBO, est plutôt ratée. Pour pas mal de raisons, sur lesquelles les critiques américains débattent encore.

Tout le monde est d’accord aussi pour dire que la série a ses bons moments. J’avoue avoir savouré en particulier un passage du sixième et dernier épisode (attention donc, spoiler ahead).

Voilà donc Neal, journaliste web qui a dû quitter les Etats-Unis pour éviter de devoir nommer une source au sein du gouvernement ou être poursuivi en justice.

Il vient d’être autorisé à rentrer chez lui et tombe, dans la rédaction, sur ses remplaçants aux commandes du site d’ACN, chargés par le nouvel actionnaire d’améliorer l’engagement de la chaîne avec son public (comprendre : le transformer en moulin à buzz).

https://www.youtube.com/watch?v=ovn2agVx8Z4

Bon, évidemment, refaire un site d’info en entier et en « une semaine » seulement, c’est une prouesse dont même les cadors du secteur seraient bien incapables…

Mais en France aussi, la chasse aux clics fait des ravages – au point que Metro n’hésite pas à faire croire à ses lecteurs sur Facebook qu’Isabelle Adjani est morte pour mieux promouvoir la nécro d’une actrice moins connue qu’elle.

Et débrancher totalement son propre site pour mieux repartir à zéro, c’est une idée qui a de quoi séduire, non ?

Journalistes, occupez-vous des marques ou elles s’occuperont de vous”

Parmi les rencontres proposées ce vendredi aux Assises du journalisme, à Metz, pas mal de conférences assez plan-plan, mais des bonnes surprises, comme l’atelier « Espoirs et craintes du brand content ». « Journaleux » et « pubeux » y ont échangé autour de ce nouveau concept qui suscite extase autant qu’effroi.

Je vous ai préparé une synthèse des échanges, mais pour ceux qui n’ont pas tout suivi, deux définitions préalables :

      • le brand content ou « contenu de marques », soit des articles, vidéos, infographies… réalisées par les marques en complément ou en remplacement d’une campagne publicitaire traditionnelle. Par exemple, Red Bull édite son propre magazine consacré (notamment) aux sports extrêmes, The Red Bulletin.
Exemple de “native advertising“ sur Quartz.
Exemple de “native advertising“ sur Quartz.
      • le native advertising est une des modalités du brand content. Ce sont des publicités qui adoptent une présentation proche, voire très proche, de celle des articles produits par la rédaction. Ces contenus peuvent être produits par  l’annonceur ou par le média lui-même (dans sa rédaction ou dans un service dédié). Parmi les articles publiés sur le site d’actualité économique Quartz – lancé par le groupe qui édite le mensuel The Atlantic –, certains sont ainsi payés par des marques.

L’excellent John Oliver explique très bien dans cette vidéo ce que la rapide montée en puissance du native advertising a d’inquiétant.

https://www.youtube.com/watch?v=E_F5GxCwizc

Maintenant, place aux extraits du débat.

Amaury de Rochegonde (Stratégies). Le patron de Forbes prétend avoir sauvé ce magazine de la faillite grâce au native avertising.

Pour d’autres, y compris parmi les publicitaires, on est dans un mélange des genres qui risque de bousculer le « contrat de confiance » entre le lecteur et son média, comme l’a expliqué le patron d’Havas, Yannick Bolloré.

L’essayiste Jean-Claude Guillebaud estime lui que Forbes s’est sauvé « au prix du journalisme », que ce dernier a été sacrifié dans l’opération.

Mais d’autres encore y voient une chance extraordinaire :  le native advertising intègre la publicité de façon plus habile dans le corps éditorial ; la demande de rédacteurs augmente, le journaliste peut  trouver sa place dans ce système.

Benoit Campagne  (L’Express/Votre argent). La banque en ligne BforBank a ouvert il y a trois ans, un espace « Mon argent m’intéresse » sur notre site. La rédaction en chef négocie, ou plutôt discute avec l’annonceur pour savoir quels contenus, liés à l’activité de l’annonceur, vont être publiés dans cet espace.

Je peux mettre mon veto. Dès le départ, j’ai refusé qu’on y mette des articles trop spécifiques, par exemple sur des produits que cette banque peut vendre. Cette règle a été respectée depuis.

A de R. Les contenus sont signés « Caroline de Francqueville, rédaction Bforbank », mais il n’a y a pas de mention « publicité ». Ce n’est pas une obligation légale ?

Stéphane Martin (Autorité de régulation professionnelle d ela publicité, ARPP , ex-BVP). Ce genre de mentions est l’un des critères, mais ce n’est pas le seul. On doit pouvoir identifier qui parle, si le contenu a un  caractère publicitaire. Est-ce que la mise en page est différente du reste du site ?

Il faut avoir en tête ces bonnes pratiques, la catégorie du contenu doit être immédiatement identifiable.

A. de R. Mais ces articles peuvent être partagés sur les réseaux sociaux, où ils apparaissent comme du contenu « L’Express/Votre argent ». On brouille les repères, une lecteur pressé peut penser que c’est un contenu de la rédaction. Les annonceurs profitent de cette ambiguïté ?

S. M. Il ne faut pas « rogner » la signature de la marque. Mais aujourd’hui, les annonceurs ont besoin de prendre la parole sur tous les canaux, et ce de plus en plus souvent. Il y a donc des risques, ça nécessite du contrôle, des validations, c’est un métier.

Charles Deffontaines (Adyoulike). Il y a une demande des marques de chercher de l’engagement avec les utilisateurs. « Rentrer » vers le contenu est le meilleur moyen d’en créer, plutôt que de diffuser autour des pavés, des bannières et d’autres formats classiques, qui touchent peu la nouvelle génération de consommateurs.

Notre logique, c’est d’être le plus transparent possible, pas de berner le consommateur. Nous proposons deux types de mentions, selon le contenu :

      • Une de type éditorial : « publi-communiqué », « actu de marque », « publicité »…
      • Une autre liée à la campagne : « proposé par », « suggéré par », « sponsorisé par » selon les cas.

Charles Gros (Tradelab). Le secteur est en pleine évolution. Prenez le « retargeting », cette pratique qui consiste à vous montrer sur un site une publicité pour un produit que vous avez vu sur un autre site [par exemple, un livre que vous avez failli acheter sur le site de la Fnac et que vous allez revoir dans une pub d’un site d’actu, ndlr].

C’est énormément utilisé, ça fonctionne, mais après réflexion c’est aujourd’hui massivement rejeté : l’apport réel n’est pas évident, la cible n’est pas assez connue. Et puis une mauvaise diffusion a pu détruire de la valeur pour l’annonceur.

Le native advertising est une solution intéressante, parce qu’il passe par un retour aux fondamentaux : « Qui je touche avec cette campagne ? » Avec quel message ? »

Dans le même temps, il y a de nouveaux systèmes d’achat, comme le real time bidding [des systèmes complexes d’enchères en temps réel pour les espaces pub disponibles, ndlr].

On est dans un monde de cookies, de fingerprinting, où l’on connaît finement le profil de l’internaute. Les vieux, ça peut leur faire peur, mais les jeunes sont très demandeurs : ils préfèrent avoir une publicité ciblée, avec la bonne « créa » diffusée au bon moment.

Pour moi, ces évolutions sont positives. Le but n’est pas de biaiser, et puis si le contenu est impactant, innovant, moi je trouve ça très bien.

A de R. Est-ce que ça va de pair avec la montée de ce qu’on appelle le « web de l’attention » ? L’idée est que l’annonceur paie en fonction du temps passé par l’internaute devant la publicité, et plus seulement du nombre d’affichages ou de clics…

C. D. Oui, tout ça va revaloriser le contexte dans lequel la publicité est affichée. Si le contenu de marque correspond à la même typologie que l’éditeur, l’impact est plus fort : par exemple, un article sport en lien avec l’activité de la marque au milieu de la rubrique sport.

Des KPI [key performance indicators, soit les données qu’on analyse pour savoir si une campagne a bien marché, ndlr] comme le temps passé ou le nombre de partages s’en trouvent revalorisés.

A. de R. Chez Adyoulike, les publireportages sont faits par qui ?

C. D. Ce sont des contenus écrits par des rédacteurs, et pas des journalistes.

Cyrille Franck (Mediaculture). Dans ce débat, j’ai une position intermédiaire entre les églises et  l’Etat. Le contenu de marque est intéressant, mais il risque d’abîmer la marque… du média qui le publie.

Il y a des annonceurs pour qui c’est compliqué à imaginer – si Areva veut faire du native ad sur l’environnement, ça me pose des questions. Et il y a des sujets sur lesquels c’est compliqué à imaginer.

On le voit avec l’exemple de L’Express/Votre argent : il faut que le journaliste ait le final cut. Mais au-delà, il faut aussi savoir qui apporte le sujet, comment il est validé ? A quel moment je dis stop ? Est-ce que j’ai a la possibilité de dire stop ?

Au-delà du débat « c’est bien » ou « c’est mal », la question du comment, du process est importante. On doit évangéliser les annonceurs, leur expliquer qu’ils ne peuvent pas mentir aux lecteurs, qu’il y a des choses qu’on ne fera pas, qu’il y a des offres qu’on ne prendra pas.

A. de R. Auparavant, le lien annonceur/support passait par la régie, et du coup on pouvait dire : « Il y a une muraille de Chine entre la rédaction et la publicité. » Dans ce que vous décrivez, on est dans la porosité…

C. F. Oui, il faut plus de communication avec la régie, par exemple faire un planning rédactionnel afin qu’ils puissent « vendre » les sujets marronniers très en amont, sans en changer le traitement.

Deux logiques se heurtent : celle du commercial, qui veut faire son chiffre à court terme, et celle du média, qui joue sa réputation à long terme.

Je dis aux journalistes : « Si vous ne vous occupez pas du brand content, c’est le brand content qui va s’occuper de vous. » Il ne faut pas laisser les commerciaux décider de l’équilibre.

A de R. A L’Express, le SNJ a publié un communiqué pour exprimer ses réserves sur ce sujet…

B. C. Il y a des discussions en cours, je ne sais pas où ils en sont. La direction de la rédaction doit répondre.

Paradoxalement, j’ai remarqué que ça posait peut-être plus question au sein de la régie, ils se disent : « Les journalistes vont faire la gueule, penser qu’on dérape, que la pub arrive dans les contenus. »

Pourtant, au sein de la rédaction, on est conscients de l’importance de la pub pour payer les salaires.

Après, il faut le faire intelligemment. C’est d’ailleurs arrivé qu’on dise « non » à des propositions d’opérations venues de la régie.

A de R. Certains annonceurs ont une puissance de feu considérable, il y a une possible manipulation de l’opinion possible. Comment l’ARPP peut vérifier si un message est vrai, s’il n’est pas orienté ?

S. M. Il ne faut pas négliger la force des récepteurs. Il y a un risque d’abîmer une marque en cas de retour de bâton, et ce n’est pas son intérêt : elle est là pour être pérenne, elle craint le « bad buzz ».

C’est aussi vrai au niveau légal : la RSE [responsabilité sociétale des entreprises, ndlr] s’impose à elles. Une seule bonne com” très efficace ne peut pas justifier d’abandonner des décennies d’effort pour construire une belle marque.

Et s’il y a trop de dérapages, il y aura une loi, comme il y a eu celle de 1973 sur la publicité mensongère.

B. C. S’il y a dérapage, il y a une sanction immédiate, celle du lecteur. Chez nous, les commentaires sont ouverts, y compris sur le brand content, ils peuvent écrire : « Là, vous êtes en train de nous arnaquer. » Et tout ça peut être relayé sur Twitter et Facebook…

C. G. Ça me fait penser à deux marques avec qui on travaille : le fabricant de montres Swatch et la banque Crédit mutuel. Toutes deux ont une peur bleue du numérique.

On leur dit : « On peut travailler avec L’Express, Le Figaro, des médias bien établis. » Mais Swatch, par exemple, ne veut pas que sa pub s’affiche à côté d’un article sur l’alcool ou les cigarettes.

Ils veulent une complète maîtrise du contenu, ils ont une peur panique de détruire leur marque en suscitant un mauvais buzz.

Du coup, il faut une vraie communication entre la marque, le média, et les utilisateurs. Et il faut arrêter certains dispositifs malsains et très négatifs.

C. F. L’analyse des résultats est importante. Trop souvent, le seul critère qui compte est « quanti » (le nombre de pages vues, de visites…). C’est un critère dépassé. Il faut évaluer la qualité de l’audience, l’engagement, le nombre de partages.

Il faut se mettre d’accord avec l’annonceur, lui dire : « J’ai des objectifs “quanti” mais aussi “quali”, par exemple “3% d’engagement sur cet article”. » Il va falloir être bon et négocier.

C. D. Quand le contenu est de qualité, ça ne pose aucun problème aux journalistes de le diffuser. Personne n’a refusé de diffuser du Red Bull, c’est presque un honneur pour un média de diffuser du Red Bull.

Avec l’expérience de 500 campagnes, on se rend compte que la force du contenu est extraordinaire : la diffusion est décuplée s’il est bien adapté..

C. G. Arrêtons d’avoir des « sapins de Noël » sur les sites, d’accumuler les formats partout sur la page : bannières, pavés, interstitiels… Autant diffuser moins de formats, mais des formats plus impactants. On réduit le nombre d’impressions, l’utilisateur est content ; la pub restante est plus visible, l’annonceur est content ;  les tarifs sont plus élevés, le média est content.

5 trucs que les journalistes papier ne devraient plus jamais dire

Selon Pierre Desproges, les animaux ne savent pas qu’ils vont mourir. Pour les journalistes qui travaillent pour un support papier, ça devient compliqué de l’ignorer. Il leur suffisait par exemple de regarder l’excellent documentaire « Presse : vers un monde sans papier ? » diffusé fin août sur Arte.

On peut être très attaché au journal-qui-tache-les-doigts-avec-le-café-du-matin ou trouver sexys les hommes qui lisent Libération dans le métro, les faits sont têtus : quand même Le Canard enchaîné voit ses ventes baisser de 13% en un an, il est temps de prendre cette histoire de « transition numérique » au sérieux.

Pourtant, lorsque j’échange avec des collègues travaillant (uniquement ou principalement) pour la version papier de leur média, j’ai souvent l’impression d’une forme de déni rampant.

Le cerveau sait bien qu’en 2014, il n’y a pas un grand avenir pour un média qui doit, pour diffuser des informations, commencer par couper des arbres pour en faire de la pâte à papier, avant d’imprimer des lettres dessus puis de mettre le tout dans des camions.

Mais le cœur, lui, ne se résout pas à voir tout un folklore disparaître : le cérémonial du bouclage, le ballet hypnotique des pages sur les rotatives, les « chemins de fer » et autres « cromalins »

Pour les aider à faire leur deuil et s’adapter à leur époque, un bon début est d’arrêter de dire des bêtises dès qu’on parle digital. Voilà en tout cas cinq phrases qu’ils devraient vraiment arrêter de prononcer.

1. « Ce papier n’est pas terrible, mets-le sur le Web »

A lire vos témoignages sur Twitter,  c’est une scène encore courante dans les rédactions : le rédacteur en chef qui, après avoir relu un article un peu raté, à l’angle bancal ou écrit à la va-vite, le fait publier sur le site plutôt que le mettre simplement à la poubelle.

Ses raisons ? La place est chère dans les pages de l’édition papier, alors qu’elle est infinie sur Internet. Et puis il faut ménager l’ego de l’auteur, qui n’aura pas bossé pour rien.

Evidemment, l’effet est désastreux sur les journalistes qui aiment sincèrement travailler sur les supports numériques, fortement incités à mettre à jour leur CV et trouver un job dans un média qui n’insulte pas l’avenir.

Mon conseil. C’est plutôt sur le papier qu’il faut publier les articles les plus mauvais : après tout, quand il les lira, le lecteur aura déjà acheté votre canard, et les kiosquiers ne pratiquent pas le « satisfait ou remboursé ».

Ça bouchera un trou dans les pages et ça vous dégagera du temps pour préparer des contenus numériques assez marquants pour sortir enfin votre titre du XXe siècle.

2. « Twitter, c’est un truc de journalistes »

C’est une phrase que j’ai très souvent entendue lorsque j’animais des formations aux réseaux sociaux, – et je suis loin d’être le seul. Dernier exemple en date : Ariane Chemin, grand reporter au Monde, dans une interview aux Inrockuptibles :

« Twitter, je trouve ça chronophage et sidérant, mais ça m’amuse. Le petit monde de Twitter est endogame, il ne raconte pas la vraie vie mais celle des journalistes qui s’observent. »

Même si les estimations varient (comme le rappelle Cyrille Frank dans les commentaires), plusieurs millions de Français utilisent Twitter, qu’ils soient simples lecteurs ou « twittos » actifs.  Contre un peu plus de 36 000 titulaires d’une carte de presse. Les ados y sont très présents, mais on croise aussi des avocats, des chauffeurs de taxi, des entrepreneurs ou des pilotes d’avion.

Si les journalistes ont l’impression d’y parler entre eux, c’est qu’il y a une part inévitable d’endogamie dans tout réseau social, surtout quand on vient de s’y inscrire : on commence par suivre ses amis, ses collègues, sa famille…

Mais contrairement à un utilisateur lamdba, un reporter a tout intérêt à affûter sa veille et à diversifier ses abonnements, trouver de nouvelles sources et prendre le pouls du vaste monde.

Mon conseil. A chaque fois que vous décidez de suivre un journaliste sur Twitter, obligez-vous à suivre aussi un non-journaliste. Parce que penser que « Twitter, c’est un truc de journalistes », c’est vraiment un truc de journalistes.

3. « La priorité, c’est la nouvelle formule du papier »


Non. La priorité pour un titre papier aujourd’hui, ce n’est pas de retirer deux demi-pages à la rubrique culture pour les donner au service politique, de changer la couleur des intertitres ou de choisir une nouvelle typographie pour les « chapos ».

Une rédaction qui se lance dans une refonte du papier en 2014, c’est comme une compagnie de diligences qui décide de changer le velours des sièges pendant qu’on construit une ligne de chemin de fer sous son nez.

Mon conseil. Que vous travailliez ans un quotidien national, pour un mensuel professionnel ou dans un hebdo régional, le débat qui doit animer vos séminaires, vos conférences de rédaction et vos discussions à la machine à café, ce n’est pas l’édition papier. C’est : « Comment produire un travail journalistique suffisamment convaincant sur le numérique pour espérer survivre au grand basculement actuel ? »

4. « On perd de l’argent à cause du Web »

C’est la petite vengeance du journaliste papier quand il commence à se sentir largué : rappeler que depuis l’arrivée d’Internet au milieu des années 90, les services web ont été une source importante de pertes financières.

C’est d’autant plus vrai que beaucoup de médias se sont lancés dans de gros investissements mal maîtrisés, de projets coûteux que leurs équipes ont parfois du mal à digérer.

Dans leur Manifeste pour un nouveau journalisme, paru début 2013, les éditeurs de la revue XXI exploitent cette veine, estimant que la presse écrite a trop investi sur le numérique. C’est ce qu’expliquait alors Laurent Beccaria à Télérama :

« Le problème n’est pas d’opposer l’écran et le papier, les modernes et les anciens. Simplement, le numérique n’est pas ‘LA’ solution, y croire est dangereux. »

J’ai l’impression que les responsables des sites d’actu ont fini par intérioriser cette critique, se dire qu’ils « vivent aux frais de la princesse », la presse papier.

Mon conseil. Rédactions web, redressez la tête et arrêtez d’avoir honte de vos pertes ! Ce n’est pas comme si vous claquiez tout en notes de frais somptuaires ou en soirées de gala.

Vous avez un des jobs les plus difficiles au monde en ce moment : tenter de faire de l’info de qualité dans un secteur en pleine déconfiture.

Mais c’est vous qui avez une chance (même petite) de trouver de nouveaux lecteurs et d’assurer la pérennité de votre titre. Pas vos aînés du papier.

5. « Facebook rend débile, j’ai fermé mon compte »

C’est vrai, on a tous des moments où on regrette notre cerveau d’avant Internet. Mais de là à quitter Facebook, service utilisé par 26 millions de Français et d’où provient une part grandissante du trafic des sites d’actu, il y a un pas qu’il vaudrait mieux ne pas franchir.

Non, ce n’est vraiment pas le moment de jouer les snobs. C’est maintenant que vous devez comprendre comment vivent et prospèrent les  communautés en ligne, qu’il s’agisse de vos contacts sur Facebook, des stars de YouTube, des contributeurs de Wikipédia ou des parturientes de Doctissimo.

Ce sont eux, les nouveaux « voisins de bureau » des journalistes. Que vous l’aimiez ou non, c’est dans ce monde qu’il va vous falloir vous faire une place (et ça fait longtemps qu’ils ont arrêté de vous attendre).

Mon conseil. Faites le tri dans vos « amis », pour éviter au maximum les invitations à Candy Crush et les photos de Milk. Mais n’oubliez pas que ces gens bizarres qui s’agitent sur votre fil d’actualités, qui likent, commentent et partagent ce que vous publiez, ce sont aussi des lecteurs. C’est pour eux que vous avez choisi ce métier, il va bien falloir assumer.

6. Bonus ! D’autres phrases qui énervent les gens du Web

Vous avez été plusieurs à me signaler sur Twitter d’autres phrases de journalistes papier qui vous énervent :

« Bonjour, je suis bien au service informatique ? »

Via @ThomasBaietto, FranceTV Info

« Mais t’es quoi en fait toi ? Développeur ou journaliste ? »

Via @GurvanKris, Rue89

« Il est bien cet article, c’est dommage qu’il soit pas dans le journal plutôt que sur le Web… »

« Elle marche, l’imprimante ? »

« C’est pas mal de faire un papier sur le Web, en fait. Comme ça, t’as le plan de ton article pour le papier. »

Via un courageux anonyme

«  “T’as vu cette info ?” (Généralement un truc qu’on fait la veille ou deux jours plus tôt.) »

Via @PerrineST

« Tu nous fais ça juste pour le Web, hein. »

Via @BenjaminFerran, Figaro et MacGeneration

« Non, pas de place pour demain. File donc ça au web ! »

Via (@Mou_Gui)

« J’ai un problème avec mes mails, tu peux m’aider ? »

Via @Sychazot, Le Lab Europe 1

« Ça débordait de ma page du coup je t’ai mis le reste sur le Web »

Via @XavierLalu

«  “C’est là qu’ils mettent nos articles en ligne” : un journaliste print qui faisait visiter la rédac web à un autre journaliste print. »

@VCquz

« Internet ne sert à rien : un article ça se lit un crayon à la main »

@ARouchaleou, L’Humanité

« Tu peux me trouver Photoshop gratos ? »

@XavierLalu

«  “Dans le pire des cas, ça ira sur le Web” (au sujet d’un papier sans intérêt). »

@GaelVaillant, Le JDD

« On peut pas fermer les commentaires sur les articles ? »

@MarieAmelie, Le Figaro

Vous pouvez continuer l’exercice si ça vous amuse, sur Twitter avec le hashtag #perlespapier ou dans les commentaires.

Dans un souci d’équité, je prévois déjà une suite à cet article, consacrées aux phrases que les journalistes papier ne supportent plus d’entendre de la part de ces « putes à clic du web »…

MAJ le 3/10 à 18h10. Passage sur Libération retiré, après un échange avec Johan Hufnagel montrant que l’exemple n’était pas forcément pertinent.

MAJ le 4/10 à 18h10. Passage sur Twitter modifié, voir les remarques de Cyrille Frank dans les commentaires.


Les sites d’info français et le mobile : qui est in et qui est out ?

On vous le dit, on vous le claironne : l’avenir des sites d’info se joue sur le mobile, et plus sur les ordinateurs.

Les chiffres de la dernière étude AT Internet, cités par Eric Mettout, directeur adjoint de L’Express sur son blog Nouvelle formule, sont impressionnants : encore quelques mois (et quelques centaines de milliers de smartphones et tablettes offerts à Noël) et certains articles seront davantage consultés sur le petit écran d’un smartphone plutôt que sur un laptop ou un ordinateur de bureau.

Mais les sites d’infos sont-ils prêts pour cette (énième) révolution ? J’ai dressé un tableau comparatif pour examiner les différentes stratégies adoptées par un échantillon (arbitraire) de 40 sites. Le résultat montre que sur le mobile, les médias avancent en ordre dispersé.

Quelques enseignements :

  • Les trois quarts des sites étudiés ne sont pas (encore) passés au responsive design, une proportion qui paraît élevée alors que les lecteurs les consultent sur des écrans de taille de plus en plus variable.
  • Sur les 40 sites étudiés, 8 ne proposent toujours pas un design adapté quand l’utilisateur se connecte depuis un mobile. Le lecteur subit un téléchargement plus long et doit ensuite zoomer sur la colonne contenant le texte à lire, après avoir fermé d’éventuels pop-ups et messages intrusifs. Ce choix peut être imposé par la régie pub, qui préfère utiliser des emplacements publicitaires classiques si les campagnes sont mieux rémunérés.
    La liste : L’Express, Jeuxvideo.com, Télérama, Premiere, PureMédias, Ouest-France, Les Inrockuptibles et le Journal du dimanche.
  • Les 40 médias de l’échantillon proposent tous une application iPhone, mais 5 d’entre eux ne disposent pas d’une application Android et 24 n’ont pas développé d’application Windows Phone.
  • Deux sites proposent une version mobile incluant un téléchargement pour une lecture offline ultérieure, fonctionnalité réservée aux utilisateurs des applications natives pour tous les autres : Le Monde et Rue89.
  • Un site seulement propose une version Web adaptée aux tablettes : Rue89. Les autres « servent » la version classique du site, même s’ils ont par ailleurs une application pour iPad ou tablettes Android.

Lorsqu’on veut adapter ses contenus au mobile, trois stratégies au moins sont en effet possibles :

  • Proposer des applications natives. C’est le choix longtemps privilégié . On compte alors sur les lecteurs pour installer l’application du média depuis les principaux store : iTunes pour un iPhone ou un iPad, Google Play pour un smartphone ou une tablette Android, Windows Store pour un appareil équipé de Windows Phone.
  • Proposer une version mobile. Bien souvent, le lecteur accède au site d’info depuis une autre application de son téléphone, qu’il s’agisse du navigateur ou des app des réseaux sociaux et autres agrégateurs. Une solution dans ce cas est de charger une version spéciale du site, située sur une URL spécifique (qui commence souvent par « m. » ou « mobile. », par exemple mobile.lemonde.fr).
  • Proposer un site responsif. Le site est dès le départ conçu pour s’adapter à  la largeur disponible au moment de l’affichage. L’URL est unique, et des cas supplémentaires peuvent être pris en compte (écrans de tablette, écrans très larges…). Les sites ayant connu une refonte récente ont pour la plupart choisi cette voie.

Un casse-tête et des coûts importants

Chaque méthode a ses avantages et ses inconvénients, qu’il serait trop long d’énumérer ici. Par exemple, il est plus simple d’ajouter des formats pub avancés et donc plus rémunérateurs, comme un clip vidéo plein écran, sur des applis natives. Mais opter pour une version mobile revient beaucoup moins cher : développer en parallèle deux à trois versions différentes du même produit fait exploser les coûts.

Choisir un design entièrement responsif est la solution la plus moderne, mais elle a des implications importantes : par exemple, le visuel d’un « habillage » publicitaire peut avoir une largeur fixe et ne pourra pas être activé sur un site dont la largeur n’est pas fixe. Et certains formats rédactionnels (infographies, diaporamas, cartes…) sont difficiles à adapter pour les journalistes qui les préparent.

Quelques précisions sur la méthode choisie – les données sont disponibles dans ce Google Sheet et au format CSV, n’hésitez pas à les réutiliser :

  • Je n’ai pas retenu la version mobile d’un site si l’utilisateur n’est pas automatiquement redirigé vers elles (cas de L’Express notamment).
  • Lorsqu’un média dispose de plusieurs application pour la même plate-forme, j’ai relevé la note de celle diffusant les articles du site, et pas d’autres contenus.
  • Je n’ai pas retenu les applications qui ne permettent que de téléchargger un numéro de l’édition papier.
  • J’ai retenu les applications non officielles, notamment sur Windows Phone.
  • Je n’ai pas classé parmi les sites responsifs ceux dont la maquette est « élastique » sans cependant s’adapter réellement en fonction de  (c’est le cas de Slate.fr par exemple).

Disclaimer : ancien rédacteur en chef adjoint de Rue89, j’ai participé au lancement des différentes applications et versions mobiles et tablettes de ce site.

N’hésitez à me signaler d’éventuelles erreurs ou oublis dans les commentaires.

Le top 50 des sites d’info les plus cités sur Wikipédia

« Wikipedian protester », strip de XKCD (CC-BY-NC)

Les médias français et la version francophone de Wikipédia entretiennent une relation compliquée.  La fiabilité de l’encyclopédie collaborative a longtemps été mise en doute par des chroniqueurs et éditorialiste, mal à l’aise face à l’absence de « comité éditorial » ou d’instance dirigeante bien identifiée.

Certains journalistes n’hésitent pas à « vandaliser » des notices pour mieux appuyer leur démonstration, comme pour un reportage d’Envoyé spécial diffusé en novembre 2012 et qui avait hérissé le poil des Wikipédiens ou pour le livre La Révolution Wikipédia, publié sous la direction du chroniqueur littéraire Pierre Assouline en 2007.

Pourtant, les journalistes utilisent quotidiennement Wikipédia pour leurs recherches d’information, même s’ils en connaissent souvent mal le fonctionnement et le complexe système d’autorégulation. En formation, j’ai souvent dû prendre le temps de faire l’anatomie d’une notice, de la liste de sources en bas d’article à l’onglet « Discussion », en passant par la comparaison des différentes versions.

La « référence nécessaire », règle d’or de l’encyclopédie

Et les Wikipédiens eux-mêmes se servent largement des sites d’information pour sourcer le contenu de leurs notices. Les rédacteurs doivent en effet respecter une règle fondamentale : l’absence de travaux inédits dans le texte des notices. Tout savoir qui y est référencé doit s’appuyer sur une source existante, qu’il s’agisse d’un livre, d’une page officielle ou, bien souvent, d’un article de presse.

Un porte-clés Wikipédia (Cary Bass-Deschenes/CC-BY-SA)

C’est pour cette raison qu’on croise régulièrement la mention « (Réf. nécessaire) » [et non « citation nécessaire, merci Gilles, ndlr] dans le contenu d’une page, signe qu’un contributeur vigilant a édité la page pour signaler que l’information mentionnée n’était pas correctement sourcée.

En 2012, l’écrivain américain Philip Roth a pu mesurer toute l’intransigeance de cette règle quand il a tenté de modifier la notice d’un de ses romans, correction refusée par un administrateur de la Wikipédia anglophone. Un épisode qu’il a raconté dans le New Yorker.

L’existence d’un nombre d’articles suffisant traitant d’une personnalité ou d’un phénomène étant d’ailleurs un critère important pour juger de la « recevabilité » d’un nouvel article  – ce qui avait amusé Daniel Schneidermann lors d’une une émission d’Arrêt sur images sur ce sujet sensible.

Mais quelles sont leurs sources privilégiées ? J’ai mené une petite enquête en me basant sur un échantillon de plus de 16 500 fiches contenant en tout plus de 100 000 liens externes. Je reviens pas à pas sur la méthode utilisée dans un autre article de ce site, où je liste aussi l’ensemble des données utilisées – sachez juste que mon ordinateur a beaucoup ressemblé à ça ces dernières heures :

Voilà donc le top 50 des sites d’actu dont le contenu est le plus souvent cité en référence dans Wikipédia :

Si au lieu d’un échantillon « généraliste » de fiches, on se cantonne à des sélections resserrées, on peut voir comment cette liste de médias de référence évolue thème par thème – n’hésitez pas à me contacter ou à laisser un commentaire si vous souhaitez que j’explore d’autres thématiques.

Enfin, si vous êtes journaliste, vous avez peut-être envie de savoir quels contenus de votre média ou de son concurrent font désormais référence, peut-être pour l’éternité – c’est quand même plus chic que d’être cité dans un tweet de Nadine Morano, non ?

Vous pouvez chercher votre média et les notices dans lequel il est cité dans la liste complète des liens de l’échantillon « généraliste », soit 1% du total des fiches publiées sur Wikipédia. Si le tableau ne se charge pas, vous pouvez retrouver la liste complète dans cette Google Sheet.

Si vous trouvez des erreurs ou des bizarreries, contactez-moi ou laissez un commentaire que je puisse jeter un œil à vos trouvailles.