Pour connaître le prix de son billet de train, il a longtemps suffi de faire une simple multiplication : le nombre de kilomètres à parcourir par le prix du kilomètre. Ce principe de péréquation a duré de la création de la SNCF, en 1938, jusqu’en 1970, quand la compagnie a commencé à moduler les tarifs du train en fonction d’autres critères.
Cette époque semble bien lointaine à l’heure du yield management, un principe de tarification généralisé par la SNCF à partir de 1993, qui permet d’optimiser les revenus, en s’assurant qu’un maximum de sièges sont occupés, et que leurs occupants ont payé la somme maximale qu’il étaient prêt à consacrer à cette dépense.
Résultat : pour beaucoup d’usagers du train, la valse des étiquettes peut sembler folle, tant ils varient d’un train sur l’autre et d’un jour à l’autre – sauf sur certaines liaisons, en vertu d’accords entre la SNCF et les régions.
L’offre et la demande font leur loi, et les prix s’envolent si la seconde dépasse la première, comme cet automne, quand la compagnie a ouvert à la vente les billets des vacances de Noël, jugés trop chers et trop rares par beaucoup d’usagers.
11 000 tarifs relevés pour une trentaine de villes, en suivant divers scénarios
Mais dans quel mesure évoluent ces prix ? Quels plafonds et quels planchers peuvent-ils atteindre ? Pour répondre, j’ai relevé automatiquement plus de 11 000 tarifs proposés sur le site Oui.sncf pour des trajets entre Paris et une trentaine de villes de France, en fonction de divers scénarios.
J’ai ainsi simulé un voyage prévu la veille pour le lendemain, un week-end prévu longtemps à l’avance, un déplacement dans le creux de la semaine d’autres en période de pointe, comme à la Toussaint ou à Noël. Les résultats montrent des variations de tarifs très fortes.
Selon le chercheur Jean Finez, auteur d’une intéressante « socio-histoire » de la tarification SNCF, le prix pour parcourir 100 kilomètres en deuxième classe était de 84 F en 1944, hors tarifs sociaux (les familles nombreuses, les militaires…) ou opérations commerciales. Soit, si on tient compte de l’inflation, 20 € de 2018. Par exemple, un Paris-Lyon (510 kilomètres de voie ferrée) devait alors coûter 428 F, soit 100 € de 2018.
Mes relevés semblent montrer que ce prix est un peu moins élevé aujourd’hui, avec une moyenne globale de 18,60 € pour 100 kilomètres. Le Paris-Lyon revient en moyenne à 83,80 €.
Cette moyenne cache de fortes variations : un Paris-Marseille peut passer de 16 € à 212 €. Cet exemple est un peu trompeur cependant : le tarif maximum correspond à un billet de première classe, la seconde classe étant complète. C’est ce que m’indiquait l’économiste Thomas Le Gouezigou sur Twitter peu de temps après la parution de cet article. Le plafond prévu par la loi pour la seconde classe, rappelle-t-il, est de 116 €.
En tout cas, toutes les villes ne sont pas logées à la même enseigne : un Rémois vivant à Paris et souhaitant rentrer chez lui se voit proposer un prix moyen de 28,50 € pour 100 kilomètres, contre 14,40 € les 100 km pour son compatriote toulonnais.
Le prix au kilomètre parcouru varie fortement selon les destinations
Est-ce un effet de la concurrence de l’avion sur les longues distances ? Mes pointages montrent que le prix au kilomètre diminue en fonction de la distance parcourue. C’est notamment le cas au bout de la LGV Sud-Est : les Niçois, les Marseillais ou les Perpignanais paient moins cher leur voyage, du moins selon ce critère.
Le prix au kilomètre diminue avec le nombre de kilomètres parcourus
En revanche, il ne semble pas y avoir de lien entre le prix au kilomètre affiché et la richesse des villes desservies (estimée ici avec la médiane du niveau de vie que calcule l’Insee pour chaque commune).
Le prix au kilomètre ne varie pas avec la richesse des villes desservies
Mais voyager dans une vieille voiture de deuxième classe tracté par une poussive micheline, ce n’est pas tout à fait la même chose que de filer plus vite que le vent dans un TGV dernier cri. Pour le fun, j’ai donc aussi calculé un prix au kilomètre/heure (en me basant sur les heures de départ et d’arrivée ainsi que la distance à vol d’oiseau entre les deux villes), et établi un autre classement selon ce critère.
Le prix au km/h est aussi très variable
Si le sujet vous intéresse et que vous souhaitez faire d’autres comparaisons, mes données sont disponibles sous forme de Google Sheet. Les curieux liront aussi ce billet d’Arthur Charpentier sur le site Freakonometrics.
Mise à jour le 17 décembre à 00h30. Sur Twitter, l’économiste Thomas Le Gouezigou fait remarquer que lorsque la seconde classe est complète, le site Oui.sncf propose les places restantes en première classe. J’ai ajouté un passage et corrigé les textes des infographies en conséquence.
Photo en page d’accueil : deux TGV en gare (TGr_79 / Flickr / CC-BY-SA)